Le circuit imprimé, cet inconnu…

Chaque jour, nous travaillons sur la conception de circuits imprimés, mais savons nous réellement de quoi il s’agit? Nous  pensons  connaitre les  méthodes  de conception  du produit   fini,   mais   qu’en   est-il   des   matériaux   et   des processus pour obtenir celui-ci?

Combien  d’entre  nous  on  eu  la  chance  de  visiter  une usine de production? De se faire expliquer chaque stade de  la  fabrication  et  l’incidence  de  la  conception  sur  le coût de revient?

Cet   article   est   tiré   du   contenu   de   la   formation   dite « Conception avancée » qui détaille tous les sujets (Et bien d’autres encore) mentionnés ici.

Depuis  toujours,  nous  sommes  confrontés  à  plusieurs  chalenges  pour  satisfaire  les  exigences des concepteurs de systèmes, à savoir l’accroissement de la densité des interconnexions sur les PCB,   l’augmentation   de   la   fréquence   de   fonctionnement   des   composants   et   enfin   la miniaturisation  des  produits,  sans  oublier  la  réduction  des  coûts.  Mais,  l’arrivée  de  la  5G  va révolutionner notre métier, n’en doutons pas, et nous transformer doucement en spécialistes de l’électromagnétisme et de l’intégrité du signal.

Pourquoi est-il essentiel de comprendre comment est fabriqué un circuit imprimé? La première raison c’est la maîtrise des coûts. En effet, suivant les choix que font les concepteurs, le coût du PCB  peut  varier  dans  des  proportions  importantes,  parfois  sans  aucune  justification  réelle comme nous allons le voir ci-après.

Pour beaucoup de concepteurs, le coût du circuit est lié au nombre de couches de celui-ci. C’est à la fois vrai et faux. En partie vrai, parce que le nombre de couches entraine une plus grande consommation de matière première. En grande partie faux parce qu’il n’y a pas beaucoup plus d’opérations entre la fabrication d’un 4 et d’un 8 couches par exemple. Mais, les acheteurs qui ignorent tout des méthodes de fabrication des PCB, laissent assez facilement filer le surcoût lié au nombre de couches, mais en aucun cas le coût ne devrait être proportionnel à celui-ci.

Le  prix  de  revient  du  PCB  dépend  tout  d’abord  du  nombre  d’opérations  nécessaire  pour  le réaliser.  Qui  dit  opérations  dit  main-d’œuvre,  qui  dit  main  d’œuvre  dit  coûts.  CQFD.  Les opérations qui impactent le plus le prix du PCB sont la gravure, la polymérisation (Le pressage), le perçage et la métallisation. En veillant à éliminer les vias borgnes, aveugles et contre-percés, autrement dit la fabrication séquentielle du PCB, on maîtrise bien mieux ses coûts.

Ensuite,  La  complexité  des  opérations  va  avoir  un  impact  majeur  sur  les  coûts.  Exemple  le diamètre de perçage des vias qui va entrainer deux possibilités de rejets: La casse d’une fraise lors du perçage et le défaut de métallisation. Les vias traversant étant percés après pressage de l’empilage, si vous avez défini une panélisation de 4 pièces, c’est 25% du coût de revient à ce stade  qui  part  à  la  benne  en  cas  de  casse  de  la  fraise.  Bien  sûr,  votre  fabricant  ne  vous  dira jamais que la casse est prise en compte dans son prix, mais croyez moi, il en tient compte.

Or la « casse » est de la responsabilité des concepteurs (Schémas et Layout).

Puis  vient  le  coût  des  matériaux  en  fonction  de  la  fréquence  et  beaucoup  plus  important  en fonction des stocks du fabricant de PCB. Si vous lui imposez un matériau ésotérique, il devra le commander,  souvent  en  Extrême-Orient,  et  là  encore,  prix  et  délais  s’envolent.  Il  vaut  donc mieux se renseigner avant de commencer à plancher sur les calculs d’impédance des pistes.

Aujourd’hui, la mode est à l’intégrité du signal, à l’intégrité des « plans ». Bien. J’ose rappeler ici que l’impédance d’une piste est beaucoup moins importante que la longueur critique de cette piste,  l’affaiblissement  du  signal  véhiculé  et  l’adaptation  de  la  ligne de transmission qu’est  en réalité ce mince fil de cuivre, long de quelques centimètres…

Ces éléments se calculent durant la phase de placement et se valident à l’issue de celle-ci, et

tant qu’à mentionner l’intégrité des réseaux d’alimentation, je rappelle qu’ils se calculent aussi. Nous y reviendrons dans un autre article…

Mais, revenons à nos moutons, à savoir le choix de matériaux. Tout d’abord, il est nécessaire de connaitre   l’affaiblissement   maximum   autorisé   sur   un   signal   pour   déterminer   dans   quel environnement il va se propager, et sur quelle surface (Voir l’effet de peau). Normalement les exigences  spécifient  un  affaiblissement  autorisé  pour  une  longueur  de  ligne  de  transmission obtenue après placement. Il va falloir valider ces points avant de continuer. Donc, les calculer. J’ajoute  que  la  fréquence  de  commutation  des  signaux  n’est  pas  le  paramètre  à  prendre  en compte, mais bien la fréquence d’infléchissement en raison des harmoniques composant ceux- ci. La simple commutation d’une LED peut réserver bien des surprises.

Forts de ces résultats, nous allons enfin pouvoir définir les deux matériaux composant le circuit imprimé,  à  savoir  le  feuillard  de  cuivre  et  le  diélectrique.  Sera-t-il  nécessaire  d’employer  des résines céramiques (Rogers, Taconic…) ou des PTFE (Dupont) et des cuivres « ultra low profil » ou bien  un  simple  FR4,  correctement  choisi  en  fonction  de  ses  caractéristiques?  Nous  avons  ici matière à réfléchir sur l’importance de ces sujets ramenés à notre objectif de coût.

Je  sais,  Monsieur  le  « Cost-Killer »  c’est technique… Mais restez encore un peu, nous  n’avons  pas  fini,  et  les  choses  ne vont pas s’améliorer.

Je    viens    de    mentionner    le    cuivre. Elément  parfaitement  neutre  jusqu’ici, mais il ne faudrait pas oublier que parmi les     constantes     physiques     de     ce matériau,   s’est   glissée   la   notion   de « Rugosité »

A  toute  de  fins  de  compréhension  utiles,  j’ai  attaché  une  macro-photo  (Voir  ci-dessus)  de revêtements (Feuillards) de cuivre typiques pour un PCB. A gauche, un feuillard basic et à droite un profil un peu moins rugueux.  Ces feuillards ont une épaisseur moyenne de 35µm et donc les dendrites de gauche font 7 à 8µm et celles de droite 4 à 5µm.

Ces valeurs sont à rapprocher de l’effet de peau d’un signal à 1Ghz qui fait 2µm. Ce qui signifie que le chemin parcouru par le signal va sérieusement s’allonger, que le temps de propagation va également augmenter, et donc que l’affaiblissement du signal doit impérativement prendre en compte  ce  facteur.  Le  genre  de  détail  qui  fait  la  différence  entre  un  circuit  fonctionnel  et  un circuit à repasser en conception.

Maintenant,  passons  à  des  sujets  moins  ardus.  Le  cuivre,  comme  tout  conducteur,  n’est  pas parfait. Il a donc une résistance. Et lorsqu’un courant parcourt une résistance, une élévation de température  est  à  prévoir.  Donc  les  pistes  parcourues  par  un  courant  chauffent.  Je  conseille vivement  de  relire  la  recommandation  IPC-2152  « Current-Carrying  Capacity »  pour  les  calculs afférents. C’est très instructif, comme souvent le sont les recommandations de cet institut.

J’en  ai  fini  pour  aujourd’hui  avec  le  cuivre,  revenons  à  nos  diélectriques.  L’impédance  d’une piste, le temps de propagation du signal et son affaiblissement sont directement dépendants de la constante diélectrique (dK) et de la constante d’affaiblissement (dT) du matériau environnant. Donc,  il  va  aussi  falloir  s’y  intéresser.  A  ce  sujet,  lorsque  l’on  calcule  l’impédance  d’une monostrip, on tient compte au minimum du vernis épargne, et on utilise un logiciel de calcul qui prend  en  compte  les  lois  de  l’électromagnétisme  (Solveur  Eigen  par  exemple)  plutôt  qu’un modèle  arithmétique  abscond  (IPC-D317  ou  même  IPC2141A  qui  ne  donne  pas  des  résultats proche de 1% dans tous les cas de figure, n’en déplaise à cet institut).

Je recommande fortement ICD Stackup Planner pour cet exercice.

Bon  promis,  je  ne  parlerai  pas  ici  du  calcul  de  l’impédance  d’une  paire  de  vias  sur  une différentielle…

Et j’en arrive au dernier point dont il faudra bien parler, parce qu’essentiel: C’est le choix des composants qui conditionne le prix du PCB et non le routage des pistes. Lorsque l’on pose un composant   sur   une   feuille   de   schémas,   le   pas   de   ses   connexions,   le   nombre   de   rails d’alimentations et enfin le nombre et la nature des entrées-sorties conditionnent le nombre de couches  d’alimentation,  de  plans  de  masse  et  de  couches  de  routage,  donc  de  plans  de référence.   Le   problème   pour   un   concepteur  de   PCB,   c’est   de   s’entendre   dire   « La   carte d’évaluation a été routée en 4 couches, pourquoi en a tu pris 8? »

Pas   toujours   facile  de  répondre   « J’ai   fait   mon   boulot   comme   il   fallait,   en   fonction   des spécifications »… Surtout lorsque les spécifications sont floues, voir inexistantes.

Si  vous  pensez  avoir  appris  quelque  chose  à  la  lecture  de  cet  article,  la  formation  « Métier » d’EDA-Expert  est  faite  pour  vous.  Son  but  est  de  faire  une  synthèse  sur  des  phénomènes physiques souvent mal compris parce qu’étudiés sur le seul plan théorique avec une approche mathématique plutôt que pratique, et d’appliquer les résultats au tracé des circuits imprimés. S’il y a bien un domaine ou les équations de Maxwell et consorts, relatives au comportement électromagnétique,  prennent  tout  leur  sens,  c’est  bien  lors  de  la  conception  d’un  circuit imprimé qui véhicule des signaux dits « Hautes fréquences ».

Alors, à bientôt, pour un prochain article, où je vous expliquerai pourquoi il n’est pas nécessaire d’avoir  un  bagage  mathématique  très  important  pour  implanter  correctement  un  circuit,  à condition  de  comprendre  et  de  prendre  en  compte  le  comportement  électromagnétique  des lignes de transmission.

Les ouvrages et publications suivants approfondissent les sujets traités dans cet article :

  • High Speed Digital Design – A Handbook of Black Magic (Howard W. Johnson & Martin
  • Graham)
  • High  speed  signal  propagation  –  Advanced  Black  Magic  (Howard  W.  Johnson  &  Martin
  • Graham)
  • Transmission lines Design Handbook (Brian C. Wadell)
  • Advanced Signal Integrity for High Speed Digital Designs – (Stephen Hall & Howard Heck)
  • High-Speed  Digital  System  Design—A  Handbook  of  Interconnect  Theory  and  Design
  • Practices (Stephen Hall, Garret W. Hall & James A. McCall)
  • Right The-First Time (Lee W. Richey)
  • Understanding Signal Integrity (S. Thierauf)
  • Signal and Power Integrity Simplified – 2nd Edition (Eric Bogatin)

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