Méthodologie et conception de circuit imprimé

Parce que les contraintes normatives sont de plus en plus lourdes, que les projets deviennent de plus  en  plus  complexes  et  que  les  budgets  et  délais  sont  de  plus  en  plus  réduits,  il  est aujourd’hui important de travailler avec méthode et de préférence dans un contexte pouvant facilement   s’interfacer  avec   la   certification   qualité   de   l’entreprise,   avec   un   objectif   bien identifié: Faire « Bon du premier coup ».

1. La physique et ses lois

Les lois fondamentales régissant la conception d’un circuit imprimé, quel qu’il soit, sont :

La loi d’Ohm, mais R & Z varient souvent suivant des paramètres peu connus ou rarement pris en compte tels que la fréquence des signaux, l’effet de peau, la rugosité du cuivre ou encore les   temps   de     propagation   dans   les   différents   matériaux   sans   oublier   l’incidence   de   la température.

Les  lois  de  Kirchoff,  lois  dites  des  nœuds  et  des  mailles  car  il  faut  toujours  associer  à  un conducteur « Aller » un conducteur « Retour ». Les plans de masse qui devront être étudiés avec grand soin, car c’est souvent leur efficacité qui régit l’intégrité du signal.

Les  lois  d’Ampère,  Faraday,  Gauss  et  Lenz  sur  l’électromagnétisme.  Souvenirs  douloureux  de nos lointaines études… Equations intégrales et différentielles que nous nous sommes empressés d’oublier   une   fois   validée   la   matière,   mais   qui   nous   rattrapent   aujourd’hui   lorsque   les fréquences des signaux flirtent avec les Mégahertz. Et cela ne commence pas bien haut… Il suffit de calculer les coefficients d’inductance mutuelle des spires d’une antenne NFC rectangulaire à

13,56Mhz  et  d’implanter  cette  antenne  sur  un  PCB.  Un  très  bon  exemple,  et  quand  on  a terminé,   on   comprend   pourquoi   les   notes   d’application   publicitaires   et   les   calculateurs « Gratuits » à disposition sur la toile sont à éviter.

Et bien sûr la loi de Murphy.

En tout état de cause, la loi ayant le plus d’influence sur notre travail est cette dernière, aussi connue sous le nom de « postulat de la tartine » ou encore d' »Embêtement » maximum.

Autrement dit lorsque quelque chose peut s’avérer défectueux, soyons sûr qu’il le sera.

Nous  voilà  prévenus,  et  pour  ne  plus  tomber  dans  les  pièges  tendus  par  la  complexité  des projets, souvent en raison de la méconnaissance des problématiques. Travaillons avec méthode en comprenant bien les enjeux et en maitrisant les aspects techniques les plus ardus.

2.  La Chronologie

La  méthode  présentée  ici  suit  une  chronologie  simple  et  explicite.  Parce  que  basée  sur  la physique  et  la  connaissance  des  matériaux  et  des  procédés,  elle  permet  sans  gros  effort  de concevoir en toute quiétude des PCB fonctionnant à des fréquences élevées, en mélangeant les technologies: Digital, puissance, analogique, RF.

3.  L’intégrité du Signal et des plans d’alimentation

Pour le concepteur de PCB, c’est un ensemble de techniques qui assurent que les signaux émis sont correctement reçus.

Ce qui impose une conception soignée de l’empilage pour respecter les impédances imposées (Plans,  pistes  &  vias,  guides  d’ondes  co-planaires).  Pour  éviter  l’affaiblissement  du  signal  il faudra  choisir  des  matériaux  en  fonction  de  la  fréquence  des  signaux  à  véhiculer  et  bien  sûr, correctement  adapter  les  lignes  de  transmission  pour  éliminer  les  rebonds  parasites  sur  les pistes  de  longueur  critique.  Enfin,  il  faudra  respecter  les  contraintes  de  diaphonie,  souvent fournies en décibels par les ingénieurs concevant la schématique

Ces techniques assurent que les signaux n’interfèrent pas les uns avec les autres en respectant l’intégrité des plans et des réseaux de distribution des alimentations ou « Power Distribution Networks » et le respect des contraintes de routage liées à la diaphonie

De plus, ces techniques assurent qu’aucun signal émis ne pollue le spectre électromagnétique environnant et qu’aucun signal n’est pollué par celui-ci en conformité avec les réglementations CEM internationales en vigueur.

Il est impératif de commencer par l’intégrité des plans et des signaux, car si ces points sont défectueux, peu importe comment les pistes seront routées… (Right the first time – Lee Ritchey)

4.  Le comportement thermique du PCB

Un   circuit   imprimé   actuel   supporte  des   composants   qui   consomment   souvent   beaucoup d’énergie   (Processeurs,   FPGA,   SoCs,   Phy-Layers).   Et   pourtant   un   Watt   dissipé   dans   un environnement  confiné,  c’est  un  problème.  Comment  calculer  les  surfaces  de  dissipation,  le dimensionnement des pistes de puissance et leur élévation de température, les thermo-vias, les caloporteurs intégrés au sein du PCB?

C’est avant et pendant la conception de l’empilage (Stackup) qu’il va falloir se poser les bonnes

questions de façon à éviter les problèmes ultérieurs

5.  Le choix des matériaux et les étapes de fabrication du PCB

Encore  un  sujet  trop  souvent  édulcoré  par  méconnaissance  des  techniques  et  matériaux employés. C’est pourtant là que se joue le coût de revient du PCB et ses qualités intrinsèques.

Le choix du partenaire, fabricant de PCB est stratégique. Le choix des matériaux est tactique.

En  effet,  ce  dernier  dépend  en  fait  de  deux  choses.  Tout  d’abord  la  compatibilité  avec  les exigences du design, afin de ne pas nuire à l’intégrité du signal. Ensuite, des coûts de revient. Et là  pas  de  surprise,  les  matériaux  (Cuivre,  cores,  pregs  et  vernis)  doivent  être  impérativement choisis parmi les stocks tournants du fabricant sinon prix et délais s’envolent.

Enfin, il faut définir les opérations séquentielles qui ont un impact très important sur le prix final du PCB. C’est le savoir-faire du fabricant qui préside à son élection.

A  la  décharge  des  services  achats,  il  faut  bien  reconnaitre  qu’il  est  extrêmement  difficile  de comprendre qu’un tel fournisseur soit stratégique. Si cela est bien compris pour les fabricants de  composants,  cela  l’est  moins  pour  les  PCB.  Pourtant  c’est  une  industrie  de  main-d’œuvre avant tout, ou le savoir-faire est primordial.

De  cette façon il  est  possible  de travailler durant  les  phases  prototype et  production  avec les mêmes fournisseurs ce qui garantie une continuité de qualité des fournitures à moindre coût.

6.  L’élaboration de l’empilage

Lorsque l’on dispose des éléments nécessaires, il est alors possible de concevoir l’empilage aussi appelé  « stackup »  ou  « Laminé ».  Le  nombre  de  couches  du  PCB  est  déterminé  par  les  boîtiers dont  la  topologie   va  définir  le  nombre  de  couches  signaux  et   par  le  nombre  de  plans d’alimentations  et  de  masses.  Autrement  dit,  dès  que  l’on  est  en  possession  du  schéma,  on connait déjà le nombre de couches prévisible du PCB.

Connaissant le nombre de couches et les impédances à respecter, il devient possible de définir l’empilage réalisé à partir des modèles proposés par le fabricant, qui seront adaptés au besoin.

L’impédance des pistes n’est qu’un élément parmi tant d’autres et il est nécessaire d’obtenir les informations  complémentaires  que  sont  l’inductance  et  la  capacité  parasites  de  la  piste,  le temps de propagation couche par couche des signaux, l’affaiblissement de ceux-ci, etc.

Ces éléments seront indispensables ultérieurement pour calculer les charges d’adaptation des pistes de longueur critique.

Le logiciel IDC stackup planner est à ce titre une solution bien précieuse qui devrait faire partie de  la  boîte  à  outil  de  tout  concepteur  de  PCB. Encore  une  fois,  attention  à  la  pertinence  des informations diffusées gratuitement sur la toile ou par certains logiciels ne prenant aucunement en  compte  le  comportement  électromagnétique  du  PCB  pour  leurs  calculs,  ni  l’influence  des vernis épargne, mais juste quelques formules arithmétiques particulièrement alambiquées.

7.  La conception des réseaux d’alimentation et le découplage

Totalement  hors  sujet  me  direz-vous?  Il  y  a  trente  ans  peut-être,  et  encore!  Aujourd’hui,  les problèmes d’intégrité du signal sont trop souvent masqués par ceux de l’intégrité des réseaux d’alimentation.   Un   réseau   est   constitué   de   l’ensemble   des   connecteurs,   pistes,   vias   et composants liés sur une même équipotentielle d’alimentation.

Pour le concepteur du PCB, il est impératif qu’il doive s’y intéresser de près, les pistes, les plans, les vias et le positionnement des condensateurs de découplage étant critique.

Un bon outil de simulation du comportement dynamique prévisionnel tel qu’ICD PDN planner est indispensable pour valider l’adéquation du besoin ponctuel d’énergie, ramené à la fréquence d’utilisation du réseau, à la fourniture de celle-ci.

8.  La simulation du comportement des pistes de  longueur critique

Une  fois  l’empilage  terminé,  on  va  pouvoir  placer  les  composants  sur  le  PCB,  et  vérifier  la longueur  critique  des  pistes.  Toutes  les  pistes  dont  la  longueur  est  critique  doivent  être considérées comme des lignes de transmission et doivent être adaptées sur le schéma et sur le PCB, sous peine d’être non conformes aux exigences de l’intégrité du signal et poser de graves problèmes  de  compatibilité  CEM.  Ni  les  rebonds  sur  les  signaux,  ni  des  taux  incontrôlés d’ondulation des alimentations ne sont acceptables.

Un bon calculateur d’impédance doit nous donner toutes des infos nécessaires à la simulation Spice:  Inductance,  capacité  et  résistance  parasites de  la  piste,  temps  de propagation  dans  les différentes  couches,  en  tenant  compte  des  vernis  épargne  et  de  la  rugosité  des  conducteurs. Ainsi,  les  charges  d’adaptation  peuvent  être  calculées  et  non  implantées  au  petit  bonheur  la chance.

Bien  sûr  l’adaptation  des  lignes  de  transmission  devrait  être  réalisée  conjointement  avec  le concepteur des schémas. Ou plutôt par l’expert en intégrité du signal. Mais cette fonction reste assez rare dans les entreprises Françaises, et quand elle existe, déborde vite du cadre PCB pour intervenir au niveau système dès la conception générale. Les vrais spécialistes sont rarissimes.

J’ai mentionné la simulation Spice alors que les modèles IBIS sembleraient plus pertinents pour ce travail. Oui, mais… Tous n’ont pas accès à un simulateur IBIS. La simulation Spice est simple, rapide et à la portée de tous, bien que les modèles IBIS soient incompatibles avec Spice. De plus que   devons   nous   exactement   simuler:   le   comportement   d’une   ligne   de   transmission soigneusement adaptée, en fonction de ses caractéristiques physiques et pour cela, nul besoin de logiciels de simulation complexes.

Comment être  certain que  la conception  d’un PCB ne  souffre  d’aucun  défaut  rédhibitoire?  En préparant un Dossier de Justification de Conception du circuit imprimé qui va reprendre toutes les contraintes imposées par la schématique et la mécatronique, et prouver par le calcul et la mesure physique que le travail est correctement réalisé. Pour prendre un exemple, imaginons le routage d’une carte FPGA avec quatre bancs mémoire DDR4 64bits et quelques différentielles multi-gigabits. Un casse tête à valider, alors qu’avec un peu de méthode, il est assez facile de réaliser un circuit très technique tout à fait sereinement.

Evidemment c’est un travail d’assez « longue » haleine. La simple évocation de la rédaction d’une méthodologie  ISO9000  pour  la  conception  et  la  validation  d’un  tel  PCB  effraie  beaucoup  de responsables,  car  nous  sommes  dans  un  domaine  extrêmement  complexe  mais  très  peu reconnu.  Dans  ces  conditions,  comment  envisager  la  validation  d’un  circuit    si  on  ignore  le minimum requis pour établir un tel dossier (Feuille de calculs Excel, je vous rassure, cela permet d’automatiser les opérations tout au long du tracé des pistes)

Pièce  maitresse  de  la  conception  du  circuit  imprimé,  le  dossier  de  justification  fournit  les éléments chiffrés repris dans les règles de routage, lorsqu’elles existent et valident le travail du concepteur de PCB. Une piste a une longueur critique de 5cm, l’avons-nous dépassée? Faut-il adapter  cette  piste?  Un  bus  synchrone  (Adresses  et  contrôles  DDR4)  est-il  correctement synchronisé? Sur le dossier précédemment mentionné, nous avons environ 500 équipotentielles à  vérifier,  et  là,  les  règles  de  routage  ne  suffisent  plus.  De  plus,  les  règles  de  routage  ont tendance  à  pénaliser  lourdement  le  travail  de  tracé  des  pistes,  surtout  en  routage  semi- automatique. Enfin comment les remplir? Remplir des cases vides, c’est simple. Savoir quelles valeurs y mettre c’est le savoir-faire, le métier. Le rôle du DJC est aussi de traduire les valeurs des datasheets de composants ou de standards, exprimés en fraction de seconde, en unités de longueur exploitables sur le logiciel de CAO.

Sans outil, pas de solution. C’est simple. Mais l’outil est dépendant du projet. A chaque projet son  DJC.  Donc  du  temps  perdu  AVANT  d’attaquer  le  routage.  Avec  les  PCB  actuels,  avec  des circuits BGA impossibles à debugger comment s’y retrouver?  Il vaut mieux prévoir des mois de travail  pour  compenser les  deux ou  trois  jours qu’on  aurait  dû  employer  à  la  génération  d’un véritable outil de contrôle et de validation par le calcul.

10.  La validation et les mesures physiques

Oui,  il  est  possible  de  valider  un  stackup  avant  de  lancer  le  routage,  de  valider  un  circuit prototype avant câblage et ainsi être certains que les fondations sont solides. Un coupon de test (Test vehicule) peut être généré et testé sur un analyseur de réseau vectoriel (VNA) qui servira aussi à tester le PCB prototype.

Le tout pour moins de mille €uros, incluant l’achat de l’analyseur.

Bien sûr il ne s’agit pas d’un appareil haut de gamme à ce prix là! Mais faire des mesures jusqu’à

3GHz donne déjà beaucoup d’informations et évite bien des déboires. Lorsque le PCB devient l’élément critique d’un projet, ce montant reste dans le trait de crayon du budget.

11.  L’IPC et la conception des circuits imprimés

L’IPC n’a aucune autorité pour spécifier ceci ou cela sur la conception d’un circuit imprimé.

Ce n’est pas un organisme normatif mais une association éditant des recommandations vers ses adhérents et clients qui achètent ses publications.

L’IPC  intervient  surtout  dans  trois  domaines:  Le  packaging  des  composants  électroniques,  la fabrication du PCB et l’assemblage et le test des cartes électroniques.

Ensuite, les contrats de fabrication  (PCB et assemblage des composants) sont passés de gré à gré   entre   client   et   fournisseur.   Il   ne   faut   donc   pas   prendre   au   pied   de   la   lettre   ses recommandations.  Pourtant,  au  fil  du  temps,  l’IPC  a  su  s’imposer  par  la  pertinence  de  ses recommandations, alors pour rester dans un cadre connu et accepté par tous les acteurs d’une profession, quelles publications IPC a vraiment besoin de lire le concepteur de PCB?

  • IPC-2611 : Generic Requirements for Electronic Product Documentation
  •  IPC-2141 : Design Guide for High Speed Controlled Impedance Circuit Boards
  •  IPC-7351 : Generic Requirements for Surface Mount and Land Pattern Standard
  • IPC-7351 : Naming Convention for Standard SMT Land Patterns
  • IPC-2221 : Generic Standards on Printed Board Design
  • IPC-2222 : Sectional Design Standard for Rigid Organic Printed Boards
  • IPC-2223 : Sectional Design Standard for Flexible Printed Boards
  • IPC-2224 : Sectional Standard for Design of PWBs for PC Cards
  • IPC-2225 : Sectional Design Standard for Organic Multichip Modules and MCM-L Assemblies
  • IPC-2226 : Sectional Design Standard For High Speed Interconnect (HDI) Boards
  • IPC-2152 : Standard for Determining Current-Carrying Capacity In Printed Board Design

12.  Le référentiel technique

Quelques bons bouquins et publications pour passer de studieuses soirées, mais qui feront de vous le spécialiste en Intégrité du Signal:

  • High Speed Digital Design – A Handbook of Black Magic (Howard W. Johnson & Martin Graham)
  • High speed signal propagation – Advanced Black Magic (Howard W. Johnson & Martin Graham)
  • Transmission lines Design Handbook (Brian C. Wadell)
  • Advanced Signal Integrity for High Speed Digital Designs – (Stephen Hall & Howard Heck)
  • High-Speed Digital System Design—A Handbook of Interconnect Theory and Design
  • Practices (Stephen Hall, Garret W. Hall & James A. McCall)
  • Right The-First Time (Lee W. Richey)
  • Understanding Signal Integrity (S. Thierauf)
  • Signal and Power Integrity Simplified – 2nd Edition (Eric Bogatin)
  • Notes d’application Altera (PDN Tool), Micron, TI, Xilinx, etc.

D’accord c’est indigeste, mais nous sommes fin 2019, et notre métier évolue vite! Alors à bientôt pour le prochain article…

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